Les feuilles pas mortes

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mardi 27 avril 2010

Demande à la poussière - Fante

^ion
Demande à la poussière est donc le troisième roman de Fante. Nous retrouvons Arturo seul à Los Angeles. Une de ses nouvelles a été publiée mais depuis il peine à vivre de son écriture.

La pauvreté du personnage est clairement évoquée à travers ses difficultés à payer son loyer, à se nourrir décemment (il se nourrit d'oranges) et à se vêtir. Arturo tient cependant à réaliser son rêve et persiste. Nous suivons donc ses premiers pas d'écrivains mais aussi ses premiers pas d'homme, face à une jeune Mexicaine, Camilla.

Ce livre m'a un peu moins plu que Bandini, peut-être parce qu'Arturo nous apparaît somme toute assez agaçant, plein de morve et dans l'exagération. Mais cela reste intéressant car l'écriture rageuse de Fante donne naissance à un personnage (ni héros, ni antihéros) de chair qui n'est pas travesti pour plaire aux lecteurs. C'est pour cela que je lirai probablement la suite des aventures de cet écrivain-miroir de l'auteur. Peu à peu, je m'attache à son écriture qui déborde.

Demande à la poussière a été adapté au cinéma en 2006 par Robert Town. Je ne l'ai pas vu mais d'après les critiques, le film est bien loin des excès du livre original.

Ou bien je paye ce que je dois ou bien je débarrasse le plancher. C'est ce que dit la note, la note que la taulière a glissé sous ma porte. Gros problème, ça, qui mérite la plus haute attention. Je le résous en éteignant la lumière et en allant me coucher.

La trouille d'une femme! Je te demande un peu. Ah, il est joli le grand écrivain! Comment il peut écrire sur les femmes s'il a jamais couché avec une femme? Ah, la grande gueule infecte, bidon, oui! Pas étonnant qu'il sache pas écrire! Pas étonnant qu'il n'y ait pas une seule femme dans Le Petit Chien Qui Riait. Pas de danger qu'il écrive une histoire d'amour, le sale petit merdeux, l'infect petit potache.

"Vous aimer bananes?" Tu parles. Et il me mettait une ou deux bananes. Plaisante innovation, ça, bananes et jus d'orange. "Vous aimer pommes?" Tu parles, et il me refilait une pomme ou deux. C'était nouveau comme mélange, ça : oranges et pommes. "Vous aimer pêches?" Pour sûr, et je ramenais le grand sac plein à dégueuler dans ma chambre. Intéressante innovation, ça, pêches et oranges. Je les déchirais à belles dents, je les mastiquais, le jus me vrillait l'estomac et gémissait là au fond. C'était si triste là en bas, dans mon estomac. Ca pleurait beaucoup, énormément même, avec des petits nuages gazeux vaseux qui me pinçaient le coeur.

Grimmy

lundi 26 avril 2010

Bandini - Fante

^ion Voici maintenant le premier roman publié de John Fante. Il retrace l'enfance d'Arturo Bandini, le futur écrivain des aventures-miroir de Fante.

Arturo est un adolescent américain d'origine italienne de 14 ans. On assiste dans Bandini à son passage de l'enfance à l'adolescence. La famille d'Arturo est pauvre. Les enfants sont scolarisés dans l'enseignement catholique par charité et sont souvent mis à l'écart par les Américains de souche. Ce roman initiatique dresse donc un tableau de l'Amérique version spaghetti, à travers la vie de cette famille. La nourriture est pauvre, les relations familiales tendues et la vie rude sous le froid hivernal.

Un soir, le père d'Arturo ne rentre pas. Il est parti vivre avec une femme riche, a cherché à s'évader d'une vie qui ne lui convient pas. C'est autour de cette disparition que tourne le roman. Arturo se trouve donc confronté au désespoir de sa mère et à la pauvreté. C'est aussi à ce moment-là qu'il perd celle dont il était amoureux.

J'ai nettement préféré ce roman à La Route de Los Angeles. L'écriture de Fante s'est assagie et en devient très touchante. Les personnages prennent de l'épaisseur et deviennent tous émouvants. J'ai apprécié ces portraits hauts en couleurs qui ne tombent pas dans le manichéisme. Fante n'en rajoute pas (ou pas trop) et signe donc un premier roman publié très intéressant. Je vous laisse en compagnie de quelques gouttes de ce café italo-américain :

Il s'appelait Svevo Bandini et habitait à trois blocs de là. Il avait froid, ses chaussures étaient trouées. Ce matin-là, il avait bouché les trous avec des bouts de carton déchirés dans une boîte de macaroni.

Depuis la naissance d'August, leur troisième fils, l'oreille droite de sa femme sentait le chloroforme. Dix ans plus tôt, elle avait ramené cette odeur de l'hôpital. A moins que ce ne fût son imagination?

Au début de son mariage, elle n'avait pas remarqué que Bandini jurait. Mais ensuite, elle ne s'y habitua jamais. Bandini jurait pour un rien. Les premiers mots d'anglais qu'il apprit fut nom de Dieu. Il était très fier de ses jurons.

Grimmy

lundi 19 avril 2010

La Route de Los Angeles - John Fante

^ion John Fante est un romancier américain né en 1909. Ses romans mettent en scène un héros-reflet, américain d'origine italienne, qui souhaite devenir écrivain. Tardivement traduit en français, Fante a obtenu rapidement les faveurs des lecteurs européens. Il était également très apprécié de Bukowski.

J'ai donc commencé à découvrir Fante par hasard, en cherchant un cadeau dans la librairie orientation littérature que nous fréquentons. Je voulais un livre pour mon père, avec de l'humour, de l'action et qui se lise facilement. Je l'ai choisi en toute confiance (je pars du principe que si un livre se trouve chez ce libraire, c'est qu'il n'est pas mauvais). Je ne sais pas s'il a beaucoup aimé (dur dur de savoir) mais je le lui ai emprunté ensuite et me suis plongée dedans. Le livre, édité chez Christian Bourgois, est une réédition comprenant les trois premiers romans de Fante. Ne vous étonnez donc pas de voir trois fois la même couverture sur ce blog !

J'ai donc commencé mon approche fantesque par son premier roman (c'est une édition posthume, Fante le conservait précieusement dans un tiroir fermé à clef), La Route de Los Angeles.

A la lecture, il est facile de comprendre pourquoi l'auteur le conservait ainsi, à l'abri des regards. C'est un premier roman qui semble largement autobiographique, où l'on assiste à la naissance de Bandini, l'écrivain qui veut en être un et qui n'a point peur du mauvais goût.

L'écriture est un peu surchargée, l'emphase trop présente et le héros est agaçant. Mais on assiste à la naissance d'un personnage, qui est certes gonflé d'orgueil, horripilant et ridicule mais qui nous touche malgré tout. Il s'agit d'un roman de genèse qui se lit facilement et amorce une promesse. L'aspect social est également intéressant car nous percevons la difficulté identitaire des enfants d'immigrés.

Il ne s'agit donc pas ici d'un gros coup de coeur pour ce livre de Fante, mais il m'a permis d'entrer dans son univers et d'apprécier d'autant plus les romans suivants, desquels se dégagent une atmosphère italo-américaine particulière. Je vous laisse en compagnie de quelques extraits (et l'on comprend très bien pourquoi Bukowski aimait Fante).

Tout l'après-midi j'ai descendu des crabes, jusqu'à ce que mon épaule me fasse mal derrière le pistolet et que mon oeil soit irrité derrière la mire. J'étais le Dictateur Bandini, l'Homme de Fer au Pays des Crabes. Encore un bain de sang pour la Mère Patrie.

Voici ce que je lui ai dit : "J'ai toujours eu l'instinct de l'écriture à l'état latent. Aujourd'hui, cet instinct traverse une métamorphose. Cette époque de transition est désormais révolue. Je suis sur le seuil de l'expression.
- Couillonades", il a fait.

Pas un seul ne s'est arrêté pour me faire monter dans sa voiture. Ce gars, là-bas, il a tué des crabes. Le prenez surtout pas en stop. Il a un faible pour les dames en papier glacé au fond des placards à vêtements. Voyez-vous ça.


Grimmy