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Le Château d'Udine de Carlo Emilio Gadda rassemble des textes assez disparates (écrits sur la première Guerre Mondiale, écrits de voyage, scènes de société). Le livre, publié chez Grasset dans la collection Les Cahiers Rouges, date de 1982 dans sa traduction française. L'écriture est très savante, précise, ciselée, ultra référencée. Je ne peux pas dire que j'ai follement aimé, car je crois que je n'avais ni les clés culturelles, ni la disposition d'esprit pour cette lecture, mais c'est de la très belle littérature, avec une langue inventive (et je crois qu'il vaut bien mieux la lire en parallèle en italien, afin de mieux s'immerger).

Les textes sont regroupés en quatre parties distinctes:Le Château d'Udine (sur la guerre), Croisière méditerranéenne, Paix et polémiques, Paix et polémiques dans le train express. Tous sont de petits joyaux littéraires, suivis de notes de commentaires de l'auteur (oui, on pourrait presque dire qu'il se glose lui-même) et accompagnés, en fin d'ouvrage de notes du traducteur (Giovanni Clerico), qui expliquent certains choix, variations de langue, etc.

A réserver pour une lecture attentive, après avoir révisé sa culture et littérature latine et italienne (il y a des pastiches et des références à gogo)!

Certains tombèrent malades, à force d'être en guerre. Moi aussi je tombai malade, à force de manger des conserves. En général, ils soignaient davantage leur tenue, et je trouve que cette politesse est un symptôme de lucidité, dans la détresse du malheur. Quelques-uns, qui portaient au poignet une gourmette d'or, moururent comme des enfants, en rêvant de Noël : une clarté, un sourire, flottaient sur leur visage. Et l'angoisse me ramène aux vains sentiers de la mémoire, mais tout se tait, alentour, et tout s'y assombrit.


Prisonnier, je me vis finalement comme cet être nul, parfaitement superflu, comme cette feuille morte qu'un vent de misère fait tournoyer dans la froidure, vers la joie de tous les pseudos-Dostoïevski de la terre nourricière, et pour mon infinie, crucifiante mortification. Puis la faim acheva de m'abrutir.


Il fut ainsi amené à songer à Luisa, longuement, tout en évitant d'instinct les trams les plus déglingués, bourrés pour l'heure comme des ruches, et les taxis fichtrement véloces.
Ce soir-là, Luisa avait dû préparer son cent trente)cinquième pouding de fiancée; à la semoule - ah, l'inégalable ménagère!-, elle substituait régulièrement de la farine de maïs (de deuxième choix).
Même l'adagio de la Pathétique, sous le toucher de ses doigts magiques, se transformait en un pouding.



Editions Grasset, 54 FF (oui, j'ai sous les yeux l'édition de 1982!).