lebourgeoisdeparis.jpg Inutile de présenter Dostoïevski (Wikipédia le fera très bien à ma place). Par contre, lire ses impressions sur Paris, la grande, la belle, la magnifique, la polluée, est un bon moyen, pour nous occidentaux, de nous rhabiller pour l'hiver (ça tombe bien, il commence à faire frisquet).
Nous remercions donc vivement les éditions Rivages poche de nous proposer dans sa petite bibliothèque ce texte publié pour la première fois en 1863 dans la revue "Vremia".

Selon Fiodor, Paris serait la ville la plus "morale et la plus vertueuse du monde". Ses habitants, les bourgeois de Paris, s'effaceraient s'ils le pouvaient, cachés derrière leurs moeurs hypocrites.

La devise "Liberté, égalité, fraternité"? Pas de liberté sans argent : "Un homme sans un million n'est pas celui qui fait ce qui lui plaît, mais celui dont on fait ce qui plaît." L'égalité devant la loi "peut et doit être considérée par tout Français comme une injure personnelle" et la fraternité ne se décrète ni ne se crée, surtout pas dans une société occidentale ayant poussé très loin le principe de l'individu, de la conservation de soi. En six mots : Paris ne portera pas le socialisme. Paris ne mérite pas sa devise.

Les Français, selon Fiodor, sont pleutres, liés à l'état. Ils goûtent de trop l'éloquence et la préfèrent à l'action. L'hypocrisie sociale se retrouve même dans la cellule familiale. Les mariages ne doivent en effet rien à l'amour ou à une certaine inclination mutuelle, mais tout à "l'égalité absolue des poches". Quant aux besoins du bourgeois, parlons-en! L'amour et l'eau fraîche, on oublie. Non, le bourgeois n'en a cure. Lui, il veut "voir la mer", aime "se rouler dans l'herbe" (ben oui, c'est tellement chouette quand on quitte la ville) et ne pourrait vivre sans le mélodrame. Poin poin poin. J'avoue, j'ai trouvé ce texte drôle et enlevé. Je vous laisse juger.

Voilà pourquoi un titre de roman comme "la femme, le mari et l'amant" n'est plus possible dans les circonstances actuelles, parce que les amants n'existent pas et ne peuvent pas exister. Et s'il y en avait à Paris autant que de grains de sable dans la mer (et il y en a peut-être plus), quand même, il n'y en a pas, et il ne peut pas y en avoir, puisqu'on en a convenu et décidé ainsi; car la vertu brille partout.


Amasser de l'argent, et posséder le plus d'objets possible, voilà le paragraphe principal du code de la morale, voilà le catéchisme du Parisien.


Le Russe est sceptique et moqueur, disent de nous les Français, et c'est vrai.


Se rouler dans l'herbe est même deux fois, dix fois plus doux, si on le fait sur sa propre terre, achetée avec l'argent acquis par son travail.



Grimmy