American Psycho - Bret Easton Ellis
Par lesfeuillespasmortes le vendredi 16 juillet 2010, 18:59 - Romans - Lien permanent
Quand ce roman est sorti, il a beaucoup scandalisé par sa violence et sa pornographie. Il retrace en effet la vie d'un jeune golden boy, Patrick Bateman, qui se montre d'un raffinement excessif, que ce soit pour soigner son apparence ou pour satisfaire ses pulsions meurtrières.
La plume d'Ellis est remarquable en ce qu'elle prend le point de vue de Bateman et décrit minutieusement tout ce qui l'intéresse. Au départ, les descriptions vestimentaires, les inventaires des soins esthétiques, les longues analyses musicales de Genesis ou Whitney Houston peuvent paraître interminables au lecteur, mais elles constituent le fond du roman, montrant bien l'artificialité du comportement polissé du "héros". La même minutie dans les descriptions se retrouvent dans les scènes de crimes, celles que Bateman nous conte avec une froideur clinique. Ces scènes sont si insoutenables que le lecteur se sent soulagé quand revient une longue description vestimentaire. Car Patrick viole, torture, tue. Il peut s'attaquer à des prostituées, des clochards, des animaux, des enfants, des amis. Aucun sentiment, hormis la colère peut-être, ne l'effleure. Le lecteur est donc en présence d'un esprit dérangé, d'un malade qui clame sa folie auprès de personnes qui ne l'écoutent pas ou ne le prennent pas au sérieux.
Plus on avance dans le roman, plus le délire du personnage se fait sentir. Il faut dire aussi que Patrick intensifie sa consommation d'alcool, de coke et de benzos. Le lecteur voit donc une évolution dans son discours au fil des pages. Certaines scènes sont clairement des hallucinations (comme le banc qui le suit), mais pour d'autres, on reste perplexe. Il semble difficile de dire si finalement les meurtres décrits relèvent de la réalité "fictionnelle" ou du délire, difficile aussi d'être sûr de l'identité de Bateman. Ses "amis" l'appellent parfois par un autre nom, lui-même, dans un passage particulièrement délirant, parle de lui à la troisième personne avant de revenir à son personnage. Phénomène de déréalisation ou symptôme de la création d'une autre identité? Je ne sais pas. Il faudrait peut-être que je relise le roman en me focalisant sur ces éléments. Mais, peu importe au fond, le message d'Ellis est clair : la politesse et le raffinement peut aussi (surtout) être l'apanage de personnalités qui nieront toute humanité. La sauvagerie peut bien se dissimuler sous de beaux atours. Certains y ont vu une critique évidente du capitalisme. Peut-être. J'y vois surtout une remise en cause de certains modèles et la mise à l'index d'une société désabusée qui va mal.
Encore un livre que je recommande, mais accrochez-vous (vous n'en ressortirez pas indemnes).
- Je suis inventif, dit Price. Je suis créatif, je suis jeune, sans scrupules, extrêmement motivé et extrêmement performant. Autrement dit, je suis foncièrement indispensable à la société. Je suis ce qu'on appelle un atout."
En arrivant chez Pastels, je suis au bord des larmes, il est évident que nous ne pourrons pas avoir de table. Mais pourtant nous en obtenons une, une bonne, et une vague de soulagement me submerge, presque effrayante, telle une marée d'équinoxe.
- Les gris sont trop étouffés, ainsi que les taupe et les bleu marine. Revers cassé, écossais subtils, petits pois, rayures, c'est Armani. Pas Emporio. Je hurle, les deux mains plaquées sur les oreilles, extrêmement irrité qu'elle ne sache pas cela, qu'elle ne puisse pas distinguer la différence.
Grimmy
Commentaires
en fin de lecture ... je ne peux pas dire que j'aime, trop effarée par la violence de ce livre... mais assez d'accord avec votre analyse.
bonne journée
J’ai lu ce roman à sa sortie et j’avais adoré. La version cinématographique n’est pas mal non plus, mais le livre est évidemment beaucoup mieux. Effectivement les descriptions du début du livre sont parfois fastidieuses mais c’est intentionnel de la part de Bret Easton Ellis et le résultat est abouti. A lire donc!
@ Mazel : c'est vrai que la violence atteint aussi le lecteur. Ce livre m'a pas mal chamboulée, mine de rien, et m'a déjà valu quelques cauchemars. Mais bon, c'est le risque.
@ Alcapone : oui, tout est intentionnel et le projet de l'auteur est, je pense aussi, parfaitement mené. Mais alors, entre le film et le livre, peut-on davantage faire la part de schoses entre la réalité et ce qu'il se passe dans la tête de Bateman?
Il me tente assez celui-ci. J'avais lu de cet auteur, Glamorama, mais il y a longtemps et je ne m'en souviens plus
Il faudrait que je lise Glamorama un jour (ainsi que d'autres Ellis, car on retrouve certains personnages d'un livre à l'autre). Je doute oublier un jour American Psycho (Pat Bateman m'a trop marquée).
Une amie me l'avait raconter et ça m'avait déjà secouée...alors je ne vais pas m'y risquer...
"raconté"
Après, c'est chouette aussi de se bouleverser un peu (il faut juste choisir le bon moment pour le lire). Mais je comprends ta réticence, je ne suis pas sûre d evouloir voir son adaptation en film...
Bonsoir, c'est en effet un roman froid comme ce qu'il raconte. J'avais aimé, je ne suis pas sûre que je recommenderais à tout le monde. C'est sanglant et très cynique. Bonne soirée.
Je suis passée a côté de ton billet concernant un roman que je voudrais lire depuis longtemps, mais dont je n'ai jamais eu le courage d'ouvrir ! Ton billet m'en dit plus long et me tente encore un peu plus ... A voir dans quelques temps, à un moment plus calme car il est très, très violent psychologiquement, à ce qu'il paraît !
@ Dasola : oui, tout a fait : de la barbarie contée avec politesse. C'est vrai qu'il laisse des traces.
@ Nanne : si tu ne l'as pas chez toi et si tu veux que je te le prête, pas de problème. Mais c'est vrai que le lire quand on est déjà un peu malmenée, ce n'est pas l'idéal. Il est très violent.
Je dirai seulement : A LIRE ABSOLUMENT !
Il reste pour moi un des meilleurs livres que je n'ai jamais lu ! Fascinant ...
Merci de ton message Désirée. C'est vrai que c'est un livre qui marque, très bien réalisé.
Il faut vraiment que je le lise ! Ton billet me le confirme encore !
Merci de ton commentaire. Il devrait bien te plaire ! (enfin, je ne sais pas si l'on peut véritablement utiliser le terme plaire pour ce livre car il donne quand même une bonne claque)