laportedesenfers.jpg Je n'avais jamais lu de roman de Laurent Gaudé. L'envoi surprise de Clara (merci !) a réparé cette lacune.
La Porte des enfers conte la descente aux enfers d'un couple de Napolitains qui perd son enfant lors d'une fusillade à Naples. Pippo est victime d'une balle perdue en pleine journée, alors que son père, Matteo, l'amenait à l'école.

Le récit est bien construit, alternant entre deux époques et adoptant des points de vue différents (celui de Matteo, de Giuliana et de Pippo). L'auteur mêle habilement dans son récit la réflexion sur le deuil et la narration. L'écriture est fluide et bien menée.

Bien que très touchée par ce livre (mais je crois que vu le sujet, il est difficile de ne pas l'être), je n'ai pas eu de coup de coeur pour ce livre (ni pour cet auteur).

J'ai en effet été gênée par deux aspects du livre. Premièrement, je m'attendais à un roman napolitain et n'ai pas senti l'ambiance de cette ville dans le roman. Cela m'a un peu déçue mais ce n'est pas le plus important. Ce qui m'a le plus dérangée, c'est l'aspect didactique et la vision du monde proposée par l'auteur. La pauvre Giuliana est un personnage caricatural, qui se remplit de haine et qui, quand elle décide d'oublier sa vie de femme et de mère est condamnée par le narrateur. Dire que penser à nos morts les rassure dans l'au-delà peut être une option réconfortante pour ceux qui restent, mais jeter la pierre à ceux qui ne peuvent vivre avec leurs souvenirs, qui n'y parviennent pas me dérange. Le livre m'a laissé le même sentiment amer que la vision du film Mar adentro, où l'on mettait en parallèle deux malades incurables. L'un décidait de mourir avant que son état ne se dégrade trop, l'autre se raccrochait à la vie. Le film montrait clairement à la fin que le premier avait fait le bon choix. Je suis toujours gênée par ce procédé narratif car je le vois comme un procédé efficace pour argumenter mais aussi comme une négation de la liberté (ou non liberté) de choix et d'action de chacun. Enfin, après réflexion, je suis aussi un peu gênée par le fait que seuls les personnages masculins (travestis ou non) soient valorisés (bon, là, ok, c'est peut-être moi qui y suis un peu trop sensible).

Ceci dit, La Porte des enfers reste un texte intéressant, un bon roman qui traite avec pudeur et fantastique un thème difficile. Merci Clara de le faire découvrir.

Les amis, les collègues de la centrale des taxis, les voisins, tous ces gens prononçaent les mêmes mots, à voix basse sans attendre de réponse, comme on pose une offrande aux pieds d'une statue. Ils disaient merci. Ils disaient qu'ils étaient touchés. Ou ils ne disaient rien et serraient les mâchoires pour ne pas pleurer.


Il pleura sur la cruauté de la mort qui se joue ainsi des âmes pour asseoir son pouvoir et pour que ne règne sur son royaume sans fin, comme cela a toujours été, que le silence résigné de ceux qui ne savent plus ce que furent le désir, les larmes, la rage et la lumière, et qui marchent sans savoir où ils vont, creux comme des arbres morts dans lesquels siffle le vent.


" c'est la règle du pays des morts, continua Mazerotti. Les ombres auxquelles on pense encore dans le monde des vivants, celles dont on honore la mémoire et sur lesquelles on pleure, sont lumineuses. Elles avancent vers le néant imperceptiblement. Les autres, les morts oubliés, se ternissent et glissent à toute allure vers le centre de la spirale.".



Grimmy