les-filles-d-egalie Gerd Brantenberg est née en 1941 à Oslo. Elle a écrit Les Filles d'Egalie en 1977. Ce roman féministe a été pour la première fois traduit en français en 2021, par Jean-Baptiste Coursaud. Publié par la maison d'édition Zulma, l'ouvrage fait partie de la collection "Bibliothèque idéale des littératures européennes".

Imaginez un monde où les rapports homme / femme sont inversés, où ce sont les hommes qui pouponnent, qui se pomponnent et les femmes qui sont des marines-pêcheuses, dirigent des entreprises et décident. Imaginez un monde où ce n'est plus le masculin qui l'emporte, même en écriture. Bienvenue en Egalie ! où l'on ne dit pas "il fait beau", mais "elle fait beau", ni "il se peut que", mais "elle se peut que", etc.

Alors au début, c'est un peu perturbant, cette féminisation de la langue et cette inversion poussée jusqu'au bout des rôles. J'ai mis un peu de temps à m'habituer à cette langue "féminisée" (la force de l'habitude, tout ça) mais ce roman vaut vraiment le coup. Car en terre d'Egalie, nous ne sommes pas en terre d'égalité, non, non, non, mais les hommes sont opprimés par les femmes. Et c'est raconté avec un luxe de détails. Le tout est une sorte de roman-système avec un humour assez mécanique. Proche du roman initiatique également, Les Filles d'Egalie retrace le parcours de Petronius, jeune de quinze ans, fils de la Directrice Brame, de son premier bal des débutants à sa prise de conscience politique.


Une belle satire qui donne matière à penser, à réfléchir.

Brame secoua la tête d'indignation. Déesse du ciel! Et dire que ce genre de fadaises prenait tant d'importance dans sa vie! Les hommes faisaient décidément toujours des caprices. Quoique... Rut Brame devait admettre que Kristoffer était très affriolant avec sa belle barbe bien coiffée, toute douce et parfumée.


Kristoffer Brame né Enlise avait embrassé son quotidien d'homme au foyer avec amour et ardeur. Il débordait de gratitude en songeant qu'il bénéficiait d'une existence bien meilleure que celle de son père. Et malgré tout, de temps en temps, il éprouvait une pointe de regret de n'avoir jamais eu l'occasion de vivre sa passion pour la mécanique. Il avait à maintes reprises abordé le sujet devant son épouse qui, non sans un sourire oblique, lui avait répondu que rien ne l'empêchait de profiter de son temps libre pour se plonger autant qu'il voulait dans la lecture d'ouvrages consacrés à la mécanique.


Pourquoi en était-elle ainsi et comment cela avait-elle commencé? Pourquoi tremblaient-ils à l'idée de semer une graine dans la terre? Pourquoi acceptaient-ils que les femmes sachent cultiver la terre en vertu de leur seule nature? Pourquoi devaient-ils apprendre à l'âge adulte ce que les femmes apprenaient enfants? Pourquoi les règles étaient-elles une source de force alors que le sperme était une source de honte. Pourquoi en allait-elle ainsi? Pourquoi était-ce devenu ainsi? Qui l'avait inventé?



Editions Zulma Poche, 12 euros.

Pour aller plus loin : Masterclass sur la littérature norvégienne, avec Jean-Baptiste Coursaud (traducteur du roman ''Les Filles d'Egalie'').