enamazonie.jpg C'est chez Fayard que Jean-Baptiste Malet a publié en 2013 son enquête sur les conditions de travail des salariés d'Amazon en France. Le recours aux intérimaires, la logique d'entreprise destructrice de lien social, la pression exercée sur le personnel pour que rien ne sorte des entrepôts (qu'il s'agisse d'objets physiques ou de témoignages), l'idéologie imposée aux salariés, voici ce que vous trouverez dans cette enquête qui a fait un peu de bruit à sa sortie.
Franchement, c'est vite lu et les faits relatés parlent d'eux-mêmes (vous pourrez me dire que dans beaucoup d'entrepôts ou usines c'est un peu pareil, mais là il y a quand même une idéologie, une devise "work hard, have fun & make history", ce qui donne vraiment l'impression que les gens sont pris pour des jambons). Il manque peut-être des éléments sur la stratégie mondiale de l'entreprise ou des parallèles plus détaillés sur d'autres firmes ou groupes, mais c'est une enquête accessible, grand public qui permet de savoir ce qui se cache derrière de simples commandes honorées à temps dans des délais record, sans surcoût de frais de port. A chacun de voir ensuite ce qu'il préfère : continuer à fermer les yeux et consommer en deux, trois clics ou faire en sorte de ne pas cautionner ce type de marché. Pas de jugement de ma part, hein, mais juste pour rappel :

  1. en librairie ou dans un bon nombre de maisons de la presse, on peut commander un livre, sans surcoût. Ok, il faut attendre un peu que le point de vente soit livré mais sommes-nous dans l'urgence pour lire un livre... ou du moins pour l'acheter...
  2. il existe des librairies indépendantes qui proposent de la vente par correspondance. Et oui, le port a un coût, pour tout le monde.


Je lève la tête et contemple le hangar de la cellule 6 où je me trouve. A Montélimar, c'est sur plus de 36000m2 que s'étale l'usine. "Usine", car les entrepôts logistiques d'Amazon sont organisés selon une chaîne de production, avec une division des tâches très stricte. Si l'usine ne fabrique pas de la marchandise, elle produit littéralement des colis.

La distinction entre le bon grain et l'ivraie des intérimaires se fera selon leur degré de "motivation". "Motivation" désignant implicitement les performances de productivité, évaluées par ordinateur quel que soit le poste où l'on se trouve. En effet, très régulièrement, plusieurs fois pendant la nuit de travail, le lead vient vous informer de votre "prod", votre productivité.


Et voilà pourquoi le "have fun" fonctionne si bien. Une fois éloigné de sa vie civile d'antan, il est proposé au salarié d'Amazon, dont le salaire est celui d'un ouvrier, des activités de divertissement gratuites. Bowling, cinéma, fêtes, sorties diverses... C'est dans le cadre du travail que la convivialité humaine se développe et s'enracine. Cette convivialité façonnée par Amazon ne se contente pas de dissoudre les anciennes convivialités, jadis construites par le travailleur lui-même. Par l'occupation de son temps libre, le "have fun" élabore des nouveaux rapports sociaux. C'est une technique d'ingénierie sociale destinée à tisser autour du travailleur une mécanique d'emprise.


Pour aller plus loin :

une interview de l'auteur, réalisée par Margaux Duquesne
un article de rue89 sur l'entrepôt de Chalon-sur-Saone


Grimmy