mangeterre.jpg Publié en 2020 par les Editions de l'Observatoire, Mangeterre (Cometierra) est un roman de Dolores Reyes, traduit de l'espagnol par Isabelle Gugnon.

Deux enfants - ados se retrouvent à vivre seuls après le décès de leur mère et le départ de leur tante. La fille, surnommée Mangeterre, possède un don qui lui permet de savoir ce qui est arrivé à un ou une disparu(e) en mangeant un peu de sa terre. Ce roman oscille entre l'hyper réalisme et le fantastique. On peut le lire comme un roman initiatique ou comme une dénonciation de la violence économique et sociale en Amérique du Sud. J'ai apprécié cette lecture car la figure de Mangeterre, personnage qui voit et qui permet de secourir des victimes (quand il est encore temps) est loin des personnages de séries télé (doués et beaux), il s'agit davantage d'une adolescente juste extra-ordinaire (et l'extra est dans ce don lié à la terre) qui vit dans un monde miséreux et violent. On suit son parcours, ses relations avec les autres (son frère, son père, les amis de son frère, ses amoureux, ses "clients") et on la voit bien évoluer, sans jamais rentrer dans un texte psychologisant.

- Les morts ne traînent pas chez les vivants, il faut que tu comprennes ça. - Je m'en fous. Maman est toujours ici, chez moi, dans la terre. - Arrête ton char, tout le monde t'attend. S'ils ne veulent pas m'écouter, j'avale de la terre.


D'autres personnes n'osaient même pas franchir la grille. Elles laissaient la terre de leurs morts dans une bouteille avec une carte de visite et, attaché autour du goulot en verre, un nom. Je récupérais les bouteilles pour les disposer entre les plantes du jardin. Les jours de pluie battante, l'eau s'insinuait à l'intérieur, mélangeant leur terre à la mienne. Chaque bouteille était un peu de terre en mesure de parler.


Après que j'avais mangé la terre du rêve où elle m'était apparue, Ana est devenue bizarre. Elle se méfiait de moi. J'essayais de lui parler comme d'habitude, mais ce n'était plus pareil. Le silence planait. Elle observait tout ce que je faisais et j'avais l'impression qu'elle me surveillait parce qu'elle avait peur que je me remette à manger de la terre.


Editions de l'Observatoire, 20 €.