el-ultimo-lector.jpgDavid Toscana est un auteur mexicain né en 1961, dont les ouvrages sont influencés par Borges, Cervantès, Onetti.

Je ne connaissais pas cet écrivain avant de lire El último lector, dans sa version française, traduite par François-Michel Durazzo et éditée par Zulma (avec encore une fois, une très belle couverture). Ce fut une agréable découverte car El último lector fait partie de ces romans intelligents qui réfléchissent (sur) la littérature, sans - et son originalité réside peut-être là- recourir à des personnages récurrents tels que l'écrivain, l'enseignant, etc. Non, là, el último lector, celui qui lit et élit les ouvrages est un bibliothécaire un peu particulier, un homme seul prénommé Lucio, dont la bibliothèque n'est absolument pas fréquentée et qui vit dans un petit village à l'abandon, Icamole. Un bibliothécaire sans lectorat qui ne brûle pas les livres qui le déçoivent (avec des critères bien à lui), mais qui les offre aux cafards, de la même manière que l'on pouvait sacrifier certains êtres en les jetant dans la fosse aux lions.

Ce lecteur perdure dans un village qui se meurt (sans littérature, la vie semble bien morne), dont l'(in)activité sera troublée par la découverte dans le puits de Remigio, le fils de Lucio, du corps d'une petit fille bien habillée et soignée. Que faire de ce corps? Comment s'en débarrasser sans être inquiété? Qui a déposé ce cadavre dans ce puits? Ces questions ne trouveront pas leur réponses, s'il y en a, dans l'enquête rondement menée par des détectives, mais dans les livres que connaît Lucio.

La littérature, la lecture, les interprétations, le rêve, la fiction et la réalité (qu'elle soit fictive ou historique), tout cela s'entremêle habilement dans le roman de David Toscana, créant ainsi une belle ode à la création littéraire.

Je vous invite à consulter la présentation du roman sur le site de l'éditeur, ainsi que cette note de lecture sur le site du CNL. Enfin, cette interview de l'auteur, en espagnol, nous éclaire également sur son rapport à la littérature.

Si une seule de ces femmes d'Icamole s'intéressait aux livres, les choses seraient différentes. Je viens voir quel livre vous me recommandez, don Lucio, et j'en profite pour vous apporter quelques tacos. Ou bien : Ma mère m'a envoyée chercher un roman et m'a demandé de vous apporter cette soupe. C'est comme ça pour les prêtres. Ce devrait être pareil pour moi.


Et l'insistance de Lucio se retourna contre lui, car lorsque le jour de l'ouverture de la bibliothèque eut lieu, les gens avaient déjà mille raisons d'être contre les livres : Les romans ne racontent que des choses qui n'existent pas, des mensonges. Si j'approche ma main du feu et que je me brûle, lui dit un homme, je me brûle. Si je me prends un coup de couteau, je saigne. Si je bois de la tequila, je me saoûle, mais un livre, ça ne fait rien, à moins qu'on me le jette à la figure! Ce raisonnement fit rire les gens et l'affaire fut entendue.


Je lis les livres un à un avant de décider si je les range sur les étagères ou si je les envoie en enfer. Ne me donnez pas d'explications, dit-elle, il y aura toujours plus de livres que de vie. Les imprimeurs pourraient faire grève pendant dix ans, personne ne le remarquerait. Savez-vous que, sur vingt-huit pages publiées, on n'en lit qu'une? Car il y a des livres qu'on offre à des gens qui ne lisent pas, d'autres échouent dans une bibliothèque sans lecteurs, on en achète pour remplir des étagères, certains sont offerts pour l'achat d'un autre produit, le lecteur se lasse dès le premier chapitre, ils ne sortent jamais de l'entrepôt de l'éditeur, ou bien les livres sont achetés sur un coup de tête.


Grimmy