Ellys et Thanatos, un titre simple pour une délicate pièce de théâtre. Je connais peu les écrits de Suarès. Je le trouve un peu boudé, que ce soit au lycée ou à l'université, injustement. Pour ma part, j'avais été émerveillée par sa Tragédie d'Elektre et d'Oreste et c'est avec grand plaisir que je me suis donc lancée dans la lecture de cette pièce de théâtre.

Ellys est une belle jeune fille irlandaise et Thanatos, un (voire le) prince mortifère. La pièce est un long poème dramatique, relatant comment Thanatos va enlever Ellys au monde des vivants. Autant vous dire tout de suite que l'on n'est pas dans le registre des lectures qui agrippent la curiosité du lecteur par leurs intrigues. Non, au risque de vous décevoir, la fin est sans surprise (comme dans beaucoup de tragédies que nous lisons davantage pour leur portée symbolique et pour voir comment elles vont se dérouler). Mais les mots de Suarès sont magnifiques et résonnent comme une musique magique : simples, justes et d'une grande force évocatrice. Les deux personnages éponymes sont attachants et l'on ne peut s'empêcher d'avoir un regard bienveillant sur leur histoire d'amour, même si l'on sait pertinemment qu'elle implique la mort de l'héroïne.

L'édition que j'ai entre les mains est celle de Rougerie. Ce qui est touchant, c'est que c'est un livre qui avait été en quelque sorte oublié : imprimé en 1978, l'exemplaire n'avait jamais été lu (j'ai dû découper les pages). C'est une belle édition sur papier bouffant contenant le texte établi et préfacé par Yves-Alain Favre. Un vrai plaisir. Je suis contente qu'il se soit trouvé sur notre chemin, dans une des librairies que nous fréquentons. Une petite promenade sur le site de l'éditeur nous donne leur devise : « Je publierai donc ce que j’aime. Revendiquant même le droit de me tromper. Refusant toutes les étiquettes, ne me laissant enfermer dans aucun système. Capable d’aimer aussi bien une poésie lyrique que celle concise où chaque mot porte son poids » (Poésie Présente N° 1, 1970). Vraiment une belle maison à découvrir.

Je vous laisse en compagnie de quelques extraits d'Ellys et Thanatos :

Ellys s'est réveillée à l'aube : elle est toute vive de n'avoir presque pas dormi.

Qui es-tu? Pardonne-moi d'être si familière. On ne dit "Tu" qu'aux dieux. Vous êtes un dieu, peut-être.

Le ciel est une mer aussi, mais au calme infini. Les étoiles sont ses lucioles.

Grimmy