Les feuilles pas mortes

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Tag - Monsieur Toussaint Louverture

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mardi 5 septembre 2023

Blackwater I, II, III, IV, V et VI, Michael McDowell

Blackwater-la-saga-qui-va-vous-rendre-accro.jpg
C'est un peu après la marée que j'ai lu cette saga de Michael McDowell, un des best seller de l'été 2022. Et ce fut une lecture vraiment plaisante : une saga fantastique comme je les aime avec "juste" quelques éléments un peu étranges. J'ai été séduite par l'ensemble de la saga et je suis contente de l'avoir lue cet été. Si vous n'avez pas encore plongé dans Blackwater, n'hésitez plus !

En plus, c'est bien traduit et bien édité, avec des livres aux couvertures magnifiques (oui, j'aime le doré!). Vraiment, ça vaut le coup de les acheter !

- La première fois que j'ai regardé par la fenêtre, vous n'étiez pas là. La chambre était vide.

- J'étais là. Seulement vous ne m'avez pas vue. Peut-être à cause du reflet. J'étais assise juste là. Je ne vous ai pas entendus arriver.

Il y eu un silence. Bray scrutait Elinor d'un air de profonde méfiance. Menton baissé, Oscar se demandait quoi faire.


"Écoute-moi bien Zaddie. Cette digue - si jamais un jour elle est construite - n'apportera rien de bon à la ville.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Moi vivante, et tant que j'habiterai dans cette maison, il n'y aura pas de crue à Perdido, avec ou sans digue. Les rivières ne monteront pas.

- Mam'selle Elinor, vous pouvez pas..."

Elinor ignora cette protestation.

"Par contre Zaddie, quand je serai morte, reprit-elle, avec ou sans digue, cette ville et tous ses habitants disparaîtront de la surface de la terre..."


La nuit, Queenie avait peur. Elle n'avait encore jamais dormi dans une maison, et celle de James lui semblait particulièrement isolée. Les pièces étaient sombres, remplies de bruits et de formes étranges. Un petit animal s'était glissé dans le grenier, où il passait la nuit à fureter. Le parquet craquait sous le poids des piles de cartons; il n'était pas rare que la délicate vaisselle en porcelaine de James s'entrechoque dans les placards, comme déplacée par une main invisible.


Editions Monsieur Toussaint Louverture, le tome est à 8,40€.

mercredi 16 juillet 2014

Karoo - Steve Tesich

karoo.jpg Publié chez Monsieur Toussaint Louverture en 2012 pour sa traduction française et disponible en poche aux éditions Points, Karoo a fait couler beaucoup d'encre et a régulièrement été mis en avant par les libraires, et ce sans promotion médiatique de fou puisque Steve Tesich est décédé avant la publication de cet ouvrage et que l'ouvrage est publié par un éditeur estimé mais peu médiatisé. Avant toute chose, je profite donc de ce billet pour remercier Monsieur Toussaint Louverture de nous faire découvrir de tels textes et de se battre pour leur diffusion. J'aime beaucoup cette maison d'édition et vous encourage donc à visiter leur site et à acheter (presque les yeux fermés) leurs ouvrages.
Alors pour faire bref, ça se passe aux States et raconte la chute d'un anti-héros sur la fin qui réécrit des scripts pour le cinéma, un homme en pleine crise de "je ne suis plus aussi jeune que je le voudrais et je suis un raté". A ce stade-là, généralement, les hommes noient leur détresse dans la dive bouteille. C'est déjà triste, c'est déjà glauque mais là, pour Saul Karoo, c'est encore pire! Car tout ce qu'il avait malgré tout pas trop mal réussi, même malgré lui, va lui échapper, de sa pseudo-intégrité professionnelle à sa presque non-relation filiale, en passant par, et ça c'est un vrai drame, sa façon de noyer sa lucidité dans l'alcool. Parce que non seulement il a une vie de merdouille et il en est conscient, mais en plus il ne connaît plus les brouillards de l'ivresse. Non, rien du tout! même après un nombre incroyable de verres! Et ça, c'est la vraie loose, la vraie de vraie. Non, sérieusement Tesich a torturé son personnage, lui faisant vivre tout ce qu'il pouvait lui arriver de pire, en pleine lucidité! C'est bien vu, c'est féroce, c'est- oserais-je le dire, drôlement horrifiant. Pour ceux qui ne l'auraient toujours pas lu, si vous aimez les histoires de vrais loosers, courez-y! Oui, parce que là, et j'en ai lues des histoires de super loosers, anti-héros aux cheveux gras et tristes, à la bedaine torturée et aux relations familiales proches du néant, Karoo est hors-compétition, indéniablement.
J'émettrai juste un petit bémol sur la fin du roman, que j'ai trouvée très décevante. Peut-être parce que le reste est très bien, peut-être parce que l'auteur est mort trop tôt pour la retravailler. C'est dommage, parce que sinon, c'est é-nor-me!


J'étais de nouveau au vin rouge; j'avais commencé par ça en arrivant à la fête. Entre-temps, j'avais avalé toutes les sortes de boissons alcoolisées servies sur place. Vin blanc. Bourbon. Scotch. Trois vodkas différentes. Trois cognacs différents. Champagne. Liqueurs diverses et variées. Grappa. Rakija. Deux canettes de bière mexicaine et plusieurs coupes de lait de poule aromatisé au rhum. Le tout sur un estomac vide, et malgré ça, hélas, trois fois hélas, j'étais toujours sobre comme un chameau.


A ma plus grande horreur, je vis que je pesais cent douze kilos.
J'en restai bouche bée.
Quoi!
Je n'avais jamais, de toute ma vie, pesé cent douze kilos. Même tout habillé, avec de grosses chaussures et beaucoup de monnaie dans mes poches, je n'avais jamais, au grand jamais, été au-delà des cent kilos.
Abasourdi, je fixai le chiffre. Je le fixai comme j'aurais contemplé les chefs d'accusations totalement fictifs de crimes que je n'aurais pas commis.


D'après elle, tous mes problèmes, sans exception, sont causés par le chaos qui règne dans mon subconscient. Mon alcoolisme. Mon infidélité conjugale. Ma triste performance de père. Mes mensonges constants, à moi-même et aux autres. Ma pathétique barbe hirsute. Mon indifférence face aux sentiments des autres. Mon manque de respect pour mon apparence physique.
"Mais regarde-toi!" s'exclame-t-elle, et je sens les yeux des quatre du mur de Berlin se tourner pour se fixer sur moi. "Tu deviens gros, chéri. Vraiment, tu sais. C'est vrai. Tu n'es plus seulement en surcharge pondérale. Tu es gros, mon chou. Je ne vois même pas la chaise sur laquelle tu es assis. Pour ce que j'en vois, il n'y a pas de chaise. Pour ce que j'en vois, tu es juste affalé, avec tes coudes sur la table. Et cette malheureuse barbe que tu te fais pousser ne trompe personne. Tous les hommes qui ont honte de leur apparence physique se font pousser la barbe. Surtout les gros. Au rthme où tu y vas, Dieu nous en garde, tu vas bientôt te mettre à porter des cols roulés noirs, en plus. Et pourquoi ça? Tu sais pourquoi? Tu veux le savoir?"


Grimmy