lasalamandre.jpg Dans ce recueil de nouvelles disponible en Picquier poche, le Japonais Masuji Ibuse, nous offre six textes mêlant regard pointu sur la société, finesse psychologique et références aux contes traditionnels. Que dire si ce n'est que c'est très bien écrit (avec une mention donc pour la traductrice Martine Jullien, puisque je ne lis pas le japonais) et d'une extraordinaire délicatesse... Les animaux sont très présents dans ces récits et leurs situations font souvent écho aux tourments internes des hommes. Prenez le temps de découvrir cet auteur et son regard bienveillant sur la société japonaise, ses hommes, la vie. Pour ma part, je poursuivrai cette lecture par Pluie noire.


Elle eut l'idée de nager en rond, en essayant de profiter au maximum de l'espace dont elle disposait. Ainsi font les hommes quand ils broient des idées noires. Mais le logis de la salamandre était loin d'être assez vaste pour lui permettre de tourner en rond.


Dix ans, déjà, que me voilà tracassé pour une histoire de carpe.


M'étant approché sans bruit de l'oie blessée, je la soulevai de mes deux mains. J'eus aussitôt l'impression que la chaleur de son plumage d'oiseau migrateur passait doucement dans mes bras. Ma surprise de la trouver si lourde éclaircit quelque peu le sentiment de tristesse qui ne me quittait pas cette année-là.


Elle avait l'air grave, elle était plongée dans ses pensées. Elle n'avait cessé de joindre ses deux mains exactement comme si elle avait gardé précieusement un grillon qu'elle aurait attrapé. Puis elle avait paru embarrassée, comme si elle ne savait plus que faire du grillon qu'elle avait dans les mains et, une fois passée la gare de Yokohama, elle m'avait adressée pour la première fois la parole.


Pour tout dire, les cinq yens de la nuit précédente étaient depuis longtemps dépensés - en tabac, enveloppes, cordonnier, dîners -, rien n'allait comme je voulais. J'étais bien plus tracassé par le billet de cinq yens et par la boîte de gâteaux que si j'avais commis un vol. Quand j'étais enfant, j'avais une fois volé l'offrande de l'autel de Bouddha pour m'acheter un hameçon, mais cela ne m'avait pas préoccupé à ce point.


- Ces gens qui ont la manie d'écrire des lettres, ça les fait presque tomber en extase. Ils écrivent, ils effacent, ils sont complètement pris. Il leur arrive même d'écrire des choses qu'ils ne pensent pas. Ca n'est pas vrai, madame? - Plus ou moins... Et puis mon Shunmi, il met aussi des poèmes dans ses lettres, je peux bien vous le dire. Même quand il est en train de manger, il lui arrive parfois de compter sur ses doigts cinq-sept-cinq.



Grimmy