Les feuilles pas mortes

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lundi 19 avril 2010

La Route de Los Angeles - John Fante

^ion John Fante est un romancier américain né en 1909. Ses romans mettent en scène un héros-reflet, américain d'origine italienne, qui souhaite devenir écrivain. Tardivement traduit en français, Fante a obtenu rapidement les faveurs des lecteurs européens. Il était également très apprécié de Bukowski.

J'ai donc commencé à découvrir Fante par hasard, en cherchant un cadeau dans la librairie orientation littérature que nous fréquentons. Je voulais un livre pour mon père, avec de l'humour, de l'action et qui se lise facilement. Je l'ai choisi en toute confiance (je pars du principe que si un livre se trouve chez ce libraire, c'est qu'il n'est pas mauvais). Je ne sais pas s'il a beaucoup aimé (dur dur de savoir) mais je le lui ai emprunté ensuite et me suis plongée dedans. Le livre, édité chez Christian Bourgois, est une réédition comprenant les trois premiers romans de Fante. Ne vous étonnez donc pas de voir trois fois la même couverture sur ce blog !

J'ai donc commencé mon approche fantesque par son premier roman (c'est une édition posthume, Fante le conservait précieusement dans un tiroir fermé à clef), La Route de Los Angeles.

A la lecture, il est facile de comprendre pourquoi l'auteur le conservait ainsi, à l'abri des regards. C'est un premier roman qui semble largement autobiographique, où l'on assiste à la naissance de Bandini, l'écrivain qui veut en être un et qui n'a point peur du mauvais goût.

L'écriture est un peu surchargée, l'emphase trop présente et le héros est agaçant. Mais on assiste à la naissance d'un personnage, qui est certes gonflé d'orgueil, horripilant et ridicule mais qui nous touche malgré tout. Il s'agit d'un roman de genèse qui se lit facilement et amorce une promesse. L'aspect social est également intéressant car nous percevons la difficulté identitaire des enfants d'immigrés.

Il ne s'agit donc pas ici d'un gros coup de coeur pour ce livre de Fante, mais il m'a permis d'entrer dans son univers et d'apprécier d'autant plus les romans suivants, desquels se dégagent une atmosphère italo-américaine particulière. Je vous laisse en compagnie de quelques extraits (et l'on comprend très bien pourquoi Bukowski aimait Fante).

Tout l'après-midi j'ai descendu des crabes, jusqu'à ce que mon épaule me fasse mal derrière le pistolet et que mon oeil soit irrité derrière la mire. J'étais le Dictateur Bandini, l'Homme de Fer au Pays des Crabes. Encore un bain de sang pour la Mère Patrie.

Voici ce que je lui ai dit : "J'ai toujours eu l'instinct de l'écriture à l'état latent. Aujourd'hui, cet instinct traverse une métamorphose. Cette époque de transition est désormais révolue. Je suis sur le seuil de l'expression.
- Couillonades", il a fait.

Pas un seul ne s'est arrêté pour me faire monter dans sa voiture. Ce gars, là-bas, il a tué des crabes. Le prenez surtout pas en stop. Il a un faible pour les dames en papier glacé au fond des placards à vêtements. Voyez-vous ça.


Grimmy

mercredi 3 février 2010

Méridien de sang - Cormac Mc Carthy

meridien.jpg

C'est mon premier roman de Mc Carthy. Je voulais du pêchu, du changement de décor et du sang. La moindre des choses est d'admettre que j'ai été servie.

Présenté comme un anti-western basé sur des faits réels sur la quatrième de couverture, Méridien de sang est en effet un roman assez atypique. Il conte les aventures d'une bande de chasseurs de scalps dans les années 1850. Le décor est aride et rude, comme les hommes qui le peuplent. Ni héros ni psychologie ni détails historiques. La narration est sèche et le style rugueux, tellement rugueux qu'au départ j'ai été irritée par les longues phrases sans ponctuation et par l'usage intempestif de la conjonction de coordination "et". Mais une fois pris au jeu, on se laisse emporter et hypnotiser par ce livre. Et c'est là que réside tout le talent de Mc Carthy. L'histoire et le style blessent, accrochent et entraînent les lecteurs dans un monde où une vie ne vaut quasiment rien. On meurt vite et en peu de mots chez Cormac. Pas de délayage, pas d'effets de suspense, il s'agirait presque d'un anti-roman finalement.

Presque, car le récit non-descriptif laisse tout de même émerger les figures extra-ordinaires de deux personnages bien trempés, le gars et le juge. Deux forces qui se confrontent et sont confrontées à une nature hostile (d'autant plus hostile si l'on y inclut ses habitants).

C'est un roman assez difficile où la sauvagerie est omniprésente. Mais il n'y a rien de gratuit : il ne s'agit ni d'un message prémâché ni de provocation, plus on avance dans la lecture, plus on entrevoit le sens du livre de Mc Carthy. Je crois qu'il faudrait certainement que je le relise encore pour me rendre compte de l'aboutissement de ce livre, pour voir davantage ce que j'ai uniquement pu entrevoir. En attendant, je ne peux que vous conseiller cette lecture et vous donner en pâture quelques extraits (âmes sensibles s'abstenir) :

Il s'élança avec la bouteille et le gamin esquiva et il s'élança de nouveau et le gamin recula. Quand le gamin le frappa l'homme lui fracassa la bouteille sur la tempe. Il tomba des planches dans la boue et l'homme plongea avec le culot déchiqueté et essaya de le lui enfoncer dans l'oeil.

La poussière séchait les crânes humides et dénudés des hommes scalpés et avec leur frange de cheveux au-dessous de leurs blessures et tonsurés jusqu'à l'os, ils gisaient maintenant dans la poussière saturée de sang pareils à des moines mutilés et nus et c'étaient partout des mourants qui râlaient et déliraient et des chevaux couchés à terre qui hurlaient.

On a pas toujours besoin d'une raison pour être quelque part.

Grimmy

samedi 30 janvier 2010

Une tragédie américaine - Kim Deitch

unetragedie.gif

J'ai rencontré Une tragédie américaine de Kim Deitch à la bibliothèque. Je cherchais un petit one shot ou une intégrale et ai été attirée par le titre, puis convaincue par la 4e de couverture. Une BD chaudement recommandée par Art Spiegelman, j'étais pour le moins sûre que le scenario serait à la hauteur.

Et en effet, j'ai été embarquée dans le monde des comics américains (que je connais très mal) à travers l'histoire du pauvre créateur de Waldo (sorte de Félix le Chat très inquiétant). Pour tout dire, j'ai trouvé que c'est une BD un peu difficile d'accès, mais qui vaut vraiment la peine. Les références sont nombreuses et l'auteur nous offre des passages où se confondent folie et réalité, où les rêves basculent très vite dans le cauchemar.

Un créateur dont on trahit l'âme en rendant tout public et en aseptisant son génie, un personnage qui se rebelle en torturant son créateur et en s'imposant au narrateur, tel un génie malfaisant ressortant d'une pipe-lampe magique, des querelles internes et une contre-histoire de l'évolution des cartoons américains, voici ce que l'on trouve dans Une tragédie américaine.

Les dessins sont d'une richesse foisonnante (à en donner le tournis) et retranscrivent bien la folie des personnages. J'ai ressenti un assez grand malaise en lisant cette BD, peut-être parce qu'elle met en lumière à quel point le rêve aseptisé que l'on veut vendre aux enfants peut très vite se transformer en un monde cauchemardesque pour les artistes, peut-être aussi parce qu'elle s'affranchit allègrement des conventions du « joli ».

Pour le reste, je ne vais pas rentrer dans les détails des références et des mises en abymes que contient ce livre : les connaisseurs les trouveront d'eux-mêmes et les autres pourront consulter après leur lecture (comme je l'ai fait) de très bonnes analyses sur la Toile. Je préfère me contenter de vous conseiller à mon tour ce livre, qui permet d'approcher un monde de la BD un peu underground, hors des sentiers battus.

En voici deux extraits, un venant de l'introduction :

C'était le cartoon musical le plus fou, le plus coloré, le plus cosmique que j'aie jamais vu! Le maître de cérémonie était un chat insolent nommé Waldo. La seule information que j'ai réussi à soutirer à Nathan, c'était que l'étrange pipe avait appartenu à son oncle Ted.

Et un autre, venant du corps de la bd :

- Al, il faut que je te parle!
- Ha, Ted (heu) c'est pas vraiment le bon...
- Ecoute, on a parlé, Waldo et moi, et y pense que... je veux dire, je...
- Waldo ! Me dis pas que tu recommences à voir ce putain de chat! Bon, Ted, continue comme ça... et tu vas droit à l'asile!

Grimmy

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