Les feuilles pas mortes

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samedi 9 octobre 2010

La nostalgie de Dieu, livre 1 - Marc Dubuisson

nostalgiedieu.jpg Un dépressif suicidaire est prêt à commettre l'irréparable. Tout à la déploration de son sort, il s'avance au bord d'une falaise quand, tout à coup : paf ! c'est la rencontre avec Dieu.

« Alléluia! », me direz-vous. Eh bien, non: « Ta gueule! », lui répond l'Éternel (1)... Cette première planche dit assez la teneur de l'œuvre de Marc Dubuisson, parue en 2008 aux éditions diantre! (2). En 57 chapitres + 1 épilogue, avec une mise en scène et un graphisme minimalistes, l'auteur raconte l'entrevue de la créature désespérée avec son Créateur. Maintenant, à la question « Qui est le plus désespérant des deux? », je réponds: « Joker! ».

La grande majorité des planches présente une série de dialogues entre l'homme et Dieu, qui sont autant d'interrogations sur la foi, la religion, la mort... en somme, le sens de la vie! Les interrogations de l'homme sont appuyées par une série de témoignages-clefs permettant de jeter un autre éclairage sur la Création : celui de Jésus, « Seigneur de père en fils », de Marie, « Immaculée notoire », ou encore de Jeanne d'Arc, « Grande brûlée »...

Les échanges sont vifs et rythmés (cinq cases pour préparer la chute de la sixième), et particulièrement mis valeur par la simplification graphique. Le dessin n'est pourtant pas « négligé » : la stylisation extrême des expressions (exemple : un trait épais barrant l'emplacement des yeux pour symboliser la colère) est, à mon sens, d'autant plus hilarante.

Le texte fait bien sûr penser, dans sa tonalité, aux Écritures de Cavanna, ou encore à Desproges. Humour noir, féroce et sophistiqué. Dieu s'avère être immensément désagréable, grossier, colérique, lubrique. En plus, il est de mauvaise foi... Mais finalement, présenté comme ça, moi, je l'aime assez, et cette BD, je l'adore!

Je commence à en avoir ras-le-bol de ces donneurs de leçons !
Je parle pas forcément de toi, hein ! Mais les rabbins, les papes, les sous-papes et les ayatollahs de mon cul !...
Qu'ils balaient un peu devant leur porte avant d'aller foutre le feu à celles des autres.
Marx disait « La religion est l'opium du peuple ».
Bin, j'ai rien contre les drogués...
... mais je peux pas blairer les dealers !


Attila

(1) Ca laisse rêveur quant à ce qu'aurait pu devenir l'œuvre de m'sieur Paul Claudel si, cette fameuse nuit du 25 décembre, c'est ce genre de réponse qu'il avait obtenue...
(2) http://www.diantre.fr/. L'auteur possède également un blog, et l'ouvrage semble par ailleurs largement chroniqué sur le net.

mercredi 13 janvier 2010

La Guerre des Sambre - Hugo et Iris 3 - Yslaire / Bastide & Mezil

hugoetiris.jpg

Sambre est une des premières bds que j'ai commencé à suivre sérieusement, pour laquelle je guettais les sorties, ce qui était prévu, etc. tout en me disant qu'Yslaire prenait beaucoup de temps entre deux albums, trop de temps pour moi, petite impatiente, qui voulait savoir la suite ! Il faut dire qu'entre 1996 et 2003, je commençais à craindre de ne jamais voir aboutir cette série. Je voulais savoir la suite des aventures de Bernard et Julie, ainsi que le destin des générations suivantes. Pour ceux qui ne connaissent pas Sambre, le point de départ, c'est une histoire-fresque d'amour maudite qui pèse sur une famille bourgeoise au moment de la Révolution de 1848. Mais ce n'est qu'un point de départ, car même si la construction de l'oeuvre d'Yslaire est circulaire (on en revient toujours à la malédiction), elle traverse les époques et les conditions sociales. Sambre est une histoire d'amour rouge sang, rouge sombre. La couleur et sa symbolique sont partie inhérente de l'histoire et du graphisme. Les dessins sont soignés et les couleurs magnifiques. Je n'en dirai pas plus, vous avez bien compris que j'étais une inconditionnelle.

Je ne sais pas si c'est Yslaire de lui-même qui a souhaité inaugurer un nouveau grand cycle ou si ce sont les éditeurs qui se sont dit que "quand même, faire attendre aussi longtemps des fans, ça marche bien Sambre, il faudrait peut-être se dépêcher pour redonner de l'énergie à une fresque qui compte de nombreux lecteurs fidèles". Toujours est-il que le cycle de La Guerre des Sambre a été initié en 2007 avec un concept un peu différent : Yslaire reste l'auteur mais a confié le livre I (sorte de sous-cycle de trois albums) de cet opus à deux jeunes talentueux dessinateurs, Jean Bastide et Vincent Mezil, qui ont investi le style Yslaire. Et pour le coup, l'attente est moins longue car il y a eu un album par an depuis le départ de La Guerre des Sambre. Le principe est non pas de poursuivre le cycle de Sambre (tant pis pour les curieux qui voulaient savoir la suite), mais de remonter la destinée des générations précédentes. Et hop ! de Julie, on remonte à Iris, et de Bernard à Hugo.

J'en viens à ce dernier moment du livre I, qui clôt les aventures d'Hugo et Iris. Les dessins sont très très beaux (chacun peut se regarder comme une carte à part) et l'histoire suit son cours, mais... j'ai été un petit peu déçue (enfin c'est un grand mot) à la fin. A trop vouloir expliquer et systématiser la malédiction, j'ai eu l'impression que le récit perdait de sa force, de son mystère. Les explications données en fin de volume sonnent un peu comme un "bon, vous pouviez le deviner mais là on vous explique clairement où on va". Des rappels au cours des albums, ces pages d'explication et pour finir, le plan avec les titres de tous les albums qui sont prévus,... Au secours, on assassine le mystère ! Ce n'est pas parce que les lecteurs disent qu'il veulent savoir le pourquoi et le comment, qu'il faut le leur donner.
Mais pour ne pas terminer sur cette petite réserve, voici un court extrait, pour vous faire goûter (de loin) à la malédiction des yeux :

« Si je puis me permettre un conseil, monsieur le patron, oubliez-la. C'est une femme de mauvaise vie, et si contagieuse qu'elle ne vous laisse que les cendres et vos yeux pour la pleurer... » Signé, votre dévoué secrétaire, H.S.

Grimmy