Les feuilles pas mortes

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jeudi 21 novembre 2013

Glamorama - Bret Easton Ellis

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Après American Psycho, lu trois ans auparavant, je me suis attaquée cet été à Glamorama (publié en 98, il précède donc l'ouvrage le plus célèbre de l'auteur). Je l'avais acheté par hasard, lors de la visite d'une librairie de livres anciens et d'occasion (ou bouquinerie très bien rangée si vous préférez). Je n'aime pas sortir les mains vides, l'ai vu, c'était un gros poche pas très cher (3 € officiellement, moins finalement car le libraire est sympa), j'en avais entendu parler, bref.

Depuis il occupait patiemment l'étagère des poches en attendant un moment propice. Pour les gros poches qui ont vécu et qui sont un peu "rébarbatifs" (cad écrits petits et serrés), le moment propice chez moi ce sont les vacances d'été avec une longue période de camping qui permet de lire avec une lampe torche le soir ou le matin sous la tente ou au bord de la rivière ou sous un arbre. En gros, pour l'été, il me faut de gros livres qui ne craignent rien et qui surtout ne me laissent pas le choix (je lis ça ou rien du tout, donc ça). Je me rends compte en écrivant que je ne suis pas très engageante pour cet ouvrage alors que je l'ai lu, qu'Attila l'a lu, que nous en avons beaucoup discuté.

Glamorama en fait, c'est comme American psycho pour le style et certaines scènes (il y a du trash, ça met longtemps à démarrer, le lecteur est si inondé de détails et de dialogues oiseux qu'il peine à retenir ce qui est important pour comprendre ce qu'il se passe -j'ai d'ailleurs dû relire tout le départ car j'ai compris en cours de lecture que j'avais raté des indices importants), mais avec des paillettes, dans le monde du glamour et des stars. Ces dernières sont aussi vides que des pantins, elles souffrent, agissent, subissent et agacent. Pas de matière, pas d'élan romanesque, pas de psychologie, nada. Nada de chez nada.

Et malgré tout, une fois prise dans le roman, je voulais comprendre, savoir où j'allais être amenée. Selon moi, c'est cela qui fait l'intérêt de ce roman : on peut faire un roman sur du vide, en démontant des icônes populaires, en torturant ce que l'on peut voir comme "du rêve américain" (je veux dire, les stars, mannequins, acteurs, etc, sont adulées, vénérées, ce sont des modèles de réussite désignés par et pour la population) et en se jouant des lecteurs en réutilisant les mêmes codes, les mêmes recettes que celles des industries dénoncées.

Ceux qui veulent lire un roman glamour avec des paillettes ne l'auront pas, ceux qui cherchent une critique virulente du système médiatique la trouveront peut-être (et encore?), ceux qui aiment le vide apprécieront. Quant à nous : Attila en concluait que l'auteur est un nihiliste et qu'il ne voyait pas trop l'intérêt, je crois plutôt que le roman est intéressant, au moins en tant que témoignage d'une pseudo-époque, en tant que phénomène éditorial et en tant qu'"attrape-lecteurs". Bret Easton Ellis reste pour moi un très bon réalisateur de mises en abyme complexes.

Quelques extraits :

- Tu te souviens de cette période pendant laquelle tu n'arrêtais pas de te massacrer les cheveux et de les teindre de toutes les couleurs, et que tu n'arrêtais pas de pleurer? - Victor, j'étais suicidaire, dit-elle en sanglotant. J'ai failli faire une overdose. - Baby, le fait est que tu n'as jamais perdu un booking. - Victor, j'ai vingt-six ans. Ca fait cent cinq ans en années-mannequin.

Chloé se perd dans son reflet sur un miroir situé de l'autre côté de la pièce, alors que Brad Pitt et Gwyneth Paltrow la félicitent du choix de son vernis à ongles, et progressivement nous nous éloignons l'un de l'autre, et ceux qui ne prennent pas de drogues allument des cigares, et donc j'en prends un moi aussi, et quelque part au-dessus de nous, nous contemplant, les fantômes de River Phoenix et de Kurt Cobain et de ma mère s'ennuient totalement, absolument.

- Pourquoi moi, Bobby? Pourquoi avoir confiance en moi? - Parce que tu penses que la bande de Gaza est probablement un groupe de rock. Parce que tu penses que l'OLP a enregistré les chansons "Don't Bring Me Down" et "Evil Woman". Silence jusqu'à ce que le téléphone sonne.

Glamorama est disponible chez 10-18 en poche pour 10,20 € (ou 9,69 si vous avez les 5% de remise).

Grimmy

vendredi 16 juillet 2010

American Psycho - Bret Easton Ellis

americanpsycho.gif Quand ce roman est sorti, il a beaucoup scandalisé par sa violence et sa pornographie. Il retrace en effet la vie d'un jeune golden boy, Patrick Bateman, qui se montre d'un raffinement excessif, que ce soit pour soigner son apparence ou pour satisfaire ses pulsions meurtrières.

La plume d'Ellis est remarquable en ce qu'elle prend le point de vue de Bateman et décrit minutieusement tout ce qui l'intéresse. Au départ, les descriptions vestimentaires, les inventaires des soins esthétiques, les longues analyses musicales de Genesis ou Whitney Houston peuvent paraître interminables au lecteur, mais elles constituent le fond du roman, montrant bien l'artificialité du comportement polissé du "héros". La même minutie dans les descriptions se retrouvent dans les scènes de crimes, celles que Bateman nous conte avec une froideur clinique. Ces scènes sont si insoutenables que le lecteur se sent soulagé quand revient une longue description vestimentaire. Car Patrick viole, torture, tue. Il peut s'attaquer à des prostituées, des clochards, des animaux, des enfants, des amis. Aucun sentiment, hormis la colère peut-être, ne l'effleure. Le lecteur est donc en présence d'un esprit dérangé, d'un malade qui clame sa folie auprès de personnes qui ne l'écoutent pas ou ne le prennent pas au sérieux.

Plus on avance dans le roman, plus le délire du personnage se fait sentir. Il faut dire aussi que Patrick intensifie sa consommation d'alcool, de coke et de benzos. Le lecteur voit donc une évolution dans son discours au fil des pages. Certaines scènes sont clairement des hallucinations (comme le banc qui le suit), mais pour d'autres, on reste perplexe. Il semble difficile de dire si finalement les meurtres décrits relèvent de la réalité "fictionnelle" ou du délire, difficile aussi d'être sûr de l'identité de Bateman. Ses "amis" l'appellent parfois par un autre nom, lui-même, dans un passage particulièrement délirant, parle de lui à la troisième personne avant de revenir à son personnage. Phénomène de déréalisation ou symptôme de la création d'une autre identité? Je ne sais pas. Il faudrait peut-être que je relise le roman en me focalisant sur ces éléments. Mais, peu importe au fond, le message d'Ellis est clair : la politesse et le raffinement peut aussi (surtout) être l'apanage de personnalités qui nieront toute humanité. La sauvagerie peut bien se dissimuler sous de beaux atours. Certains y ont vu une critique évidente du capitalisme. Peut-être. J'y vois surtout une remise en cause de certains modèles et la mise à l'index d'une société désabusée qui va mal.

Encore un livre que je recommande, mais accrochez-vous (vous n'en ressortirez pas indemnes).

- Je suis inventif, dit Price. Je suis créatif, je suis jeune, sans scrupules, extrêmement motivé et extrêmement performant. Autrement dit, je suis foncièrement indispensable à la société. Je suis ce qu'on appelle un atout."


En arrivant chez Pastels, je suis au bord des larmes, il est évident que nous ne pourrons pas avoir de table. Mais pourtant nous en obtenons une, une bonne, et une vague de soulagement me submerge, presque effrayante, telle une marée d'équinoxe.


- Les gris sont trop étouffés, ainsi que les taupe et les bleu marine. Revers cassé, écossais subtils, petits pois, rayures, c'est Armani. Pas Emporio. Je hurle, les deux mains plaquées sur les oreilles, extrêmement irrité qu'elle ne sache pas cela, qu'elle ne puisse pas distinguer la différence.


Grimmy