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C'est en cherchant un roman policier japonais que je suis tombée sur Out de Natsuo Kirino, auteure ayant remporté de nombreux prix littéraires.

Quatre femmes travaillent dans une fabrique de paniers-repas, la nuit. Quatre femmes qui sont différentes facettes d'une représentation de la solitude et de la misère sociale japonaise. Oui, il y a des crimes, du sang, du fait divers, mais là où Natsuo Kirino excelle, c'est dans la lente description d'une société où les femmes ne valent pour les hommes que par leur beauté quand elles sont jeunes ou par l'argent qu'elles ramènent au foyer quand elles sont "fanées".

L'intrigue est bien menée mais pour moi, elle est surtout le prétexte à la description de la vie de femmes dont on ne parle que rarement : des ouvrières, de nuit qui plus est, célibataires endettées ou mère de familles délaissées; des femmes qui s'épuisent au travail, coincées dans leur vie quotidienne. Leur portrait n'est pas flatteur : elles agissent comme elles peuvent et ne sont pas mues par de grands idéaux. L'argent détermine souvent leurs actions : elles en ont besoin pour rembourser leurs dettes, garder leur toit sur la tête ou gagner leur liberté. Ce sont des victimes dont on ne peut attendre grand chose...

Les hommes valent encore pis : ils boivent, jouent, dépensent dans la débauche l'argent durement gagné par les femmes ou exploitent de belles jeunes filles dans des clubs de prostitution.
Une société sans pitié où des femmes sans histoire se retrouvent, par solidarité et appât du gain, dans de sordides situations. En parallèle, on découvre la chute d'un gérant de club de prostitution et de jeux, un oppresseur au sombre passé.

Je n'en dirai pas plus sur l'intrigue (d'ailleurs la 4e de couverture de l'édition que j'ai lue en disait beaucoup trop, pour attirer l'attention sur l'aspect "thriller" du titre). Bonne découverte !

Une légère odeur de friture flottait dans l'air, mêlée à des bouffées de gaz d'échappement provenant de la route de Shin-Ômé. Elle émanait de la fabrique de paniers-repas où Masako allait travailler. "J'ai envie de rentrer." Chaque fois qu'elle sentait cette puanteur, ces mots lui échappaient. Mais rentrer où? Une chose était certaine : pas à sa maison, qu'elle venait de quitter.


Une épouse travailleuse pouvait avoir du bon, mais pour un mari paresseux, c'était remuer le couteau dans la plaie. Yoshié se souvint de son mari, mort de cirrhose cinq ans auparavant. Plus elle se mettait au service de sa belle-mère, plus elle contribuait à l'économie du ménage en faisant de petits travaux à domicile; mais plus elle se démenait pour la famille, plus elle agaçait son mari.


Ca ne l'enchantait guère de travailler la nuit, mais il y avait peu d'employeurs prêts à engager une mère de famille obligée de s'absenter dès qu'un enfant tombait malade. Avant d'être embauchée à la fabrique de paniers-repas, elle avait travaillé à temps partiel comme caissière dans un supermarché. Mais après avoir refusé de travailler le dimanche et s'être absentée pour rester plusieurs fois près d'un de ses fils alité, elle avait été licenciée sans autre forme de procès.